Handball, Mondial 2015: Quand le Qatar (ré)écrit l’histoire

En dominant la Slovénie (32-23) ce mercredi soir, l’équipe de France s’est qualifiée pour les demi-finales du Mondial 2015 de handball. Et c’est tout naturellement que Karabatic et les siens font les gros titres de la presse ce jeudi. Sauf que le même jour, il s’est produit un événement notable au Qatar avec la qualification de l’équipe locale pour ces mêmes demi-finales de la compétition.

Et c’est une première dans l’histoire du hand qu’une nation autre qu’européenne ou africaine accède à ce niveau du tournoi. Le Qatar joue certes à domicile mais sa qualification il la doit plus à son énorme contingent de joueurs étrangers qu’au soutien de ses supporters, quoiqu’ils étaient très nombreux ce mercredi pour épauler l’équipe face à l’Allemagne, en quart de finale.

Encore que de supporters devrait-on plutôt parler de public car là aussi il y a quelque chose qui sonne faux, comme ces espagnols recrutés par le pays pour manifester leur soutien au Qatar pendant la compétition. Mais c’est surtout la composition de l’équipe que l’on retiendra dans quelques années, si d’aventure ce groupe accède au podium ou mieux, sait-on jamais à ce niveau du tournoi, qu’il devient champion du monde.

Bertrand Roiné le plus Français des Qataris

Au Qatar en effet, il n’y a que trois joueurs sur les seize du groupe qui soient originaires du pays. Les autres viennent de nations étrangères car le règlement autorise à retenir n’importe quel joueur n’ayant pas été sélectionné par son pays depuis au moins trois ans. Du coup le Qatar mélange espagnols, tunisiens, bosniens, égyptiens… et même un Français, Bertrand Roiné, qui fut champion du monde en 2011 avec les Bleus.

Interrogé par Henri Seckel pour son blog sur Lemonde.fr, l’arrière du Lakhwiya Doha dit toutefois n’avoir rien gagné en acceptant la sélection qatari. Comprenez par-là qu’à part les primes de victoire distribuées par sa fédération, il n’est pas rémunéré pour porter le maillot national du Qatar. D’ailleurs, il n’en a même pas la nationalité. “Le temps des compétitions, on échange les passeports : je donne mon passeport français, et j’ai un passeport qatari.” Voilà pour le tour de passe-passe…

Si ce n’est pour l’argent, pourquoi donc faire cette étonnante bascule alors que l’on a déjà, de surcroît, un titre mondial en poche ? Bertrand Roiné explique : “J’ai fait dix jours d’entraînement au Qatar, puis deux semaines en stage à Barcelone. Et ça m’a plu de rejouer avec une sélection : je me suis dit que c’était une opportunité de me faire plaisir et de rejouer un championnat du monde.”

Mais tous ne partagent pas ce choix. Claude Onesta, sélectionneur de l’équipe de France, déjà en poste en 2011 au sacre de Roiné fait part de son scepticisme : “C’est pas l’idée que je me fais de la compétition internationale et de la représentation d’un pays, mais dans mon analyse, il n’y a absolument aucune contrainte. Ça me gêne pas du tout. A titre personnel, je l’aurais pas fait, c’est tout, mais ça ne veut pas dire que ça a plus de sens qu’il en donne lui (…) Moi, j’ai un seul pays qui est le mien. Mais d’autres peuvent être citoyens du monde, ça ne me gêne pas du tout, au contraire.”

Le fait est que, qualifié pour la première demi-finale de son histoire (sa meilleure performance jusqu’alors était une 16e place au Mondial 2003), le Qatar va affronter la Pologne, demain jeudi avec de réelles chances de l’emporter. S’il y parvient, il affrontera soit l’Espagne soit l’équipe de France. Dans tous les cas un adversaire familier puisque le Qatar, outre Bertrand Roiné, compte aussi des Espagnols dans ses rangs, à commencer par son sélectionneur, Valero Rivera.