Contre toute attente, l’outsider Dunkerque a été sacré champion de France de Handball le 8 mai dernier. La défaite du PSG Hand à Montpellier (28-36) conjugué à la victoire nordiste à Toulouse (24-21), permet à l’USDK de décrocher le premier titre en LNH de son histoire. Et ce, alors qu’il reste encore deux journées de championnat.
Un “ch’ti gars du Nord”
Depuis 7 années au club, Erwan Siakam-Kadji a tout connu avec Dunkerque. L’arrière gauche, né à Villeneuve-d’Ascq, est un enfant de la région qui a pu vivre son rêve cette saison de décrocher le plus prestigieux titre national.
Bien que tronquée par les blessures, l’exercice se termine en apothéose pour lui. Le joueur a partagé avec Score n’co son bonheur
Erwan, comment se sent-on dans la peau d’un Champion de France de Handball ?
Erwan Siakam-Kadji : Je ne réalise pas forcément encore. C’est vrai qu’on est champions mais on n’a pas encore pris la mesure de l’événement. On pourra mieux s’en rendre compte quand on disputera nos deux dernières rencontres chez nous (face à Chambéry et Tremblay), en recevant le trophée. On pense déjà à bien finir la saison avant de fêter cela comme il se doit.
Dunkerque est leader de la LNH depuis la 10ème journée. Avez-vous douté à un moment ? À quel instant avez vous compris que le titre était gagné ?
On est passé leader quand on a battu le PSG chez nous (25-21) au match aller. Il n’y avait pas de pression, on était 1er sans penser à la suite. Le PSG, c’était trop solide dans nos têtes. En étant devant, on se disait qu’on avait beaucoup plus de chances de terminer 2ème ou 3ème. Cette place, c’était du bonus. Lorsqu’on les bat au retour dans leur salle (27-25 le 27 mars 2014), c’est à partir de ce moment là qu’on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire. Et on n’a plus lâché le morceau.
Qu’est-ce qui a fait la différence dans votre équipe ? Votre défense était notamment votre gros point fort ?
Clairement ! C’est la première fois qu’il y a un champion avec une attaque aussi faible (Dunkerque est la 11ème attaque du championnat avec 619 buts, loin derrière Montpellier et ses 764 buts). Les chiffres montrent qu’on s’est reposé avant tout sur notre défense (1er avec 546 buts encaissés). C’est un gros plus quand tu es solide derrière, cela te permet d’être plus performant.
Quel a été l’engouement dans le Nord suite à ce titre ? Étant natif de cette région (Erwan est né à Villeneuve-d’Ascq), ce titre a dû être une double émotion pour vous ?
Une triple émotion même (rires). Je suis passé par plusieurs états psychologiques avec mes blessures. Sur un point de vue personnel, c’est peut être mon année la plus difficile au club (9 matchs disputés), et cela tombe juste la saison où l’on devient champions. Le fait que je sois de la région, pratiquement formé au club, tous les messages de mes coachs, des dunkerquois pour nous féliciter, cela m’a beaucoup touché. Les gens étaient heureux, pas seulement pour le résultat, mais également par l’état d’esprit partagé.
Quelle est l’ambiance dans le groupe ? Êtes-vous plus proche d’un joueur en particulier?
Tous les joueurs qui passent dans cette équipe vous diront la même chose : il n’y a jamais eu une cohésion plus forte dans un vestiaire qu’à Dunkerque. Tout le monde se sent bien ici, on dispose d’un cadre idéal malgré le temps (rires). Les joueurs restent longtemps, on se fait des bouffes ensemble, on partage beaucoup de choses. Je suis plus proche de Pierre Soudry, que je considère comme mon meilleur ami.
“On ne se concentre que sur nous même”
Vous avez longtemps été blessé, était-ce difficile de voir ses coéquipiers lutter pour le titre et ne pas pouvoir les aider ?
C’était très difficile. Je m’étais cassé le bras en début de saison (fracture du radius), alors que j’avais fait une bonne préparation. C’était compliqué car j’ai loupé les matchs de Ligue des Champions. J’ai bien bossé avec le staff médical pour revenir (le 5 décembre face au PSG), mais je me reblesse en mars. On se sent impuissant. Mais il vaut mieux se blesser dans une saison comme cela. C’est plus facile de réintégrer l’équipe quand les résultats sont bons. Il y avait quand même une pointe de déception de ne pas être avec les gars sur le terrain.
Cela fait 7 années que vous êtes fidèle au club dunkerquois. Comment voyez-vous votre avenir ? En avez-vous déjà discuté avec vos dirigeants ?
Je suis en pleine discussion avec les dirigeants, j’aimerai bien rester dans le club après tout ce que j’ai vécu ici. J’ai été soutenu par le staff, par mes coéquipiers, par les supporters lors de mes blessures. J’aurai très bien pu être mis sur la touche et laisser tomber. Cela a montré tout l’attachement que l’équipe avait pour moi. C’est très important pour moi.
Le PSG Hand qui recrute Thierry Omeyer et Willam Accambray se construit une belle équipe et va être revanchard. Pensez-vous que Dunkerque puisse conserver son titre la saison prochaine ?
Ces arrivées sont un pur plaisir pour le Championnat de France. Mais aujourd’hui, on se concentre que sur nous même. On veut continuer à progresser, garder notre ossature. L’année dernière, si on nous avait dit qu’on gagnerait le titre de LNH, on aurait tous signé plutôt deux fois qu’une. Le PSG Hand avait déjà recruté Luc Abalo et Daniel Narcisse, c’était la grosse armada. Après si Paris défonce tout le monde, tant mieux pour eux. Le principal, c’est qu’on continue sur cette voie. La saison prochaine, on donnera le maximum pour le championnat et on essaiera d’aller le plus loin possible en Ligue des Champions, sans regarder ce que font les autres équipes.
Seriez-vous capable de signer au PSG, s’il se présente une opportunité ?
N’importe quel joueur serait intéressé par l’idée d’évoluer au PSG Hand. Les médias ont posé la question à notre coach (Patrick Cazal), et lui même a dit qu’il ne fermerait pas la porte à un départ là bas. Mais on se sent tellement bien à l’USDK qu’il est difficile d’en partir. Et surtout, il faut penser au rôle qu’on jouerait au sein du club parisien.
“L’équipe de France, dans un coin de ma tête”
Vous étiez sélectionné dans les espoirs de l’équipe de France. Pensez vous encore dans un coin de votre tête à l’idée d’intégrer les Bleus ?
C’est plus compliqué maintenant. L’année dernière j’étais encore dans les réservistes de la liste. Là, j’ai été freiné par les blessure. Ce que je veux d’abord, c’est revenir à 100 % de mes capacités et mettre l’équipe de France de côté pour le moment.
D’un point de vue de vue personnel, comment êtes-vous arrivé dans le handball ?
J’ai touché un peu à tout gamin, foot, basket. J’ai toujours vécu à Villeneuve, et comme je vivais à côté de la salle de hand, je suis rentré la dedans comme ça. Ma mère a également été handballeuse professionnelle ( internationale camerounaise jouant à Lomme), cela a joué dans mon orientation sportive
Avez-vous un surnom ?
J’ai appris récemment que les supporters dunkerquois m’ont affublé du surnom d’Air Force One, ce qui m’amuse beaucoup. Sinon, c’est “frère” dans le vestiaire.
Erwan, on vous a vu donner le coup d’envoi de Lille-PSG dernièrement. Je présume que vous êtes un fan de football. Y a-t-il une équipe que vous supportez en particulier ?
Je suis un fada du LOSC. Malheureusement, je crois que je leur ai porté la poisse contre le PSG (rires). J’espère sincèrement qu’ils décrocheront cette troisième place car ils le méritent vraiment.
Propos recueillis par Gérald ALLIEL