Photo L’Equipe
La boulette de Franke
Depuis 1970, et une autre demi-finale épique entre Italiens et Allemands à Mexico (4-3), la Coupe du monde n’a plus connu pareil suspense.
Il faut désormais la séance des tirs au but pour offrir une mise à mort au public sévillan. Pour Jean-Luc Ettori et Bernd Franke, les gardiens, c’est le grand bizutage. Tour à tour, Giresse, Kaltz, Amoros, Breitner maitrisent l’exercice. Pas Uli Stielike. Le milieu de terrain du Real Madrid frappe trop mollement et Ettori se saisit de la balle sur sa droite. Pourtant rompu aux matches de «muerte », il a craqué. A genoux, la tête dans les mains, il pleure.
Après lui, Michel Platini, exécute la sentence. Horst Hrubesch s’avance. Ah si Littbarski, spécialiste du genre, était encore là… Le grand attaquant hésite et marque. Il gagne juste un peu de sursis car le 5ème tireur français, tous les Allemands, sur le terrain ou en tribunes, le connaissent très bien. Il s’appelle Didier Six et joue au VfB Stuttgart en Bundesliga! Coéquipier de Karl-Heinz Förster, le défenseur allemand qui se trouve à quelques mètres de lui sur la pelouse. Si Six marque, la RFA est éliminée. M. Corver siffle, Six n’appuie pas sa frappe qui part doucement à gauche, mais Franke rate son appui et tombe sur sa gauche. C’est un ballon sans force qui entre sur sa droite, près du poteau. Comme au ralenti. Assommé par le rugissement de Sanchez-Pizjuan, Franke reste à genoux au sol. Kaputt ! 5 tirs au but à 4, la France est en finale pour la première fois de son histoire. Plus rien ne sera jamais comme avant.
Les larmes et les rires font un moment oublier la blessure de Patrick Battiston. Au retour dans le vestiaire, les infos un peu plus rassurantes ajoutent à la fête. Six porte sur le dos le maillot blanc de Förster. Ettori a échangé le sien avec Franke en le consolant. Platini ne se souvient plus à qui il a donné le sien. Tout le monde le voulait. Machinalement Harald Schumacher a déjà rangé sa tunique rouge et bleue au fond de son sac. Funeste souvenir. Il est le premier à rejoindre le bus en sortant du vestiaire.
Le lendemain, L’Equipe titre «FABULEUX» sur sa Une. La presse allemande a une autre version des faits à défendre. Charles Corver est la cible de toutes les attaques. «L’ami des Français» comme le surnomme Bild, qui rappelle que M. Corver avait déjà arbitré «généreusement» un certain France-Bulgarie en novembre 1977 (3-1) qui avait offert la qualification aux Bleus pour la Coupe du monde en Argentine. Le carton rouge adressé à Schumacher est une «honte» pour le Süddeutsche Zeitung. «Comment peut-on confier un tel match à un homme âgé de 46 ans?», s’étonne un commentateur de la ZDF
Ce 9 juillet au matin, il reste trois jours avant la finale au stade Santiago-Bernabeu, à Madrid, contre l’Italie, l’ogre de ce Mondial qui a dominé le Brésil et l’Argentine au 2ème tour, et la Pologne en demi-finale (2-0). 72 heures pour évacuer l’émotion, recharger les accus et récupérer du long voyage de retour de Séville car toute la délégation française a patienté des heures à l’aéroport avant de décoller. L’euphorie de la victoire n’efface pas tout. Il faudra même plus de temps à Patrick Battiston pour se remettre de sa soirée cauchemardesque. Le lendemain de la qualification, il sort de la clinique Sagrado Corazon où il a passé à la nuit à Séville. La suite des exploits tricolores va s’écrire sans lui.
Le 11 juillet, la France joue le 7ème et dernier match de ce «Mundial» déjà historique. Ce sera France-Italie. La revanche de la défaite (2-1) à Mar del Plata, en Argentine, lors de la Coupe du monde 1978 ou la confirmation du succès amical au Parc des Princes en février (2-0)…
Rendez-vous demain 7 avril pour la suite de cette histoire